Qualité de l’air intérieur des ERP : obligations, risques et solutions pour protéger les enfants

Crèches, écoles, collèges, lycées et universités : les établissements recevant du public (ERP) accueillant des enfants et des jeunes sont des lieux de vie essentiels, où ces derniers passent une grande partie de leurs journées. Pourtant, la qualité de l’air intérieur des ERP est encore trop souvent négligée. La pollution de l’air intérieur constitue un risque sanitaire invisible mais bien réel, en particulier pour les plus jeunes, dont l’organisme est encore en développement. Depuis 2018, la réglementation française impose une surveillance régulière de la qualité de l’air intérieur dans ces établissements. Un enjeu de santé publique dont les répercussions vont bien au-delà de la sphère sanitaire.

Surveillance de la qualité de l'air intérieur des EPR d'accueil des enfants

Une pollution omniprésente dans l’air que l’on respire à l’intérieur

Contrairement à une idée reçue, l’air intérieur peut être jusqu’à 5 à 10 fois plus pollué que l’air extérieur, notamment dans les bâtiments mal ventilés. Plusieurs sources de pollution coexistent : matériaux de construction, mobilier, produits ménagers, équipements de chauffage, voire infiltration de polluants extérieurs.

Parmi les principaux polluants réglementés pour la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les ERP figurent :

  • Le formaldéhyde : émis par les colles, panneaux de particules, textiles, produits ménagers, il est cancérogène avéré (groupe 1 du CIRC).
  • Le benzène : un hydrocarbure aromatique volatil, cancérogène sans seuil, présent dans les fumées de combustion, certains matériaux anciens et dans les carburants comme le fioul.
  • Le dioxyde de carbone (CO₂) : bien qu’il ne soit pas toxique aux niveaux courants, il est un indicateur indirect du taux de renouvellement de l’air, et donc de la concentration potentielle d’autres polluants.

Les enfants sont plus vulnérables que les adultes à cette pollution. Ils respirent plus rapidement, ont un système immunitaire immature, et leurs organes sont en pleine croissance. Une mauvaise qualité de l’air intérieur peut provoquer ou aggraver des troubles respiratoires (asthme, bronchite), des troubles de la concentration, des maux de tête ou encore des irritations des yeux et des voies respiratoires.

Un coût socio-économique évalué à plus de 20 milliards d’euros par an

Selon une estimation de l’ANSES et de l’ADEME, le coût socio-économique de la pollution de l’air intérieur en France dépasse 20 milliards d’euros par an. Cette somme inclut les dépenses de santé (hospitalisations, traitements), les pertes de productivité dues à l’absentéisme scolaire ou professionnel, et la dégradation du bien-être des populations.

Dans les établissements scolaires, la mauvaise qualité de l’air a également un impact sur les performances cognitives. Des études ont démontré qu’un taux élevé de CO₂ dans les salles de classe est associé à une baisse de l’attention, de la mémorisation et des résultats scolaires.

Un cadre réglementaire exigeant, centré sur la prévention en qualité de l’air intérieur des ERP

Depuis la loi Grenelle 2 (2010) et ses décrets d’application, la France a mis en place un dispositif réglementaire de surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains ERP, en particulier ceux accueillant des enfants.

Les gestionnaires de crèches, écoles, collèges et lycées ont l’obligation légale de mettre en œuvre une surveillance comprenant :

Une évaluation annuelle des moyens d’aération

  • Vérification du bon fonctionnement des ouvrants (fenêtres, portes).
  • Contrôle de la ventilation naturelle ou mécanique (VMC).
  • Mesure ponctuelle de la concentration de CO₂.

Un autodiagnostic de la qualité de l’air intérieur

A réaliser tous les 4 ans à l’aide des grilles règlementaires d’évaluation à compléter et la mise en place d’un plan d’action, ou une campagne de mesure des polluants si l’autodiagnostic n’est pas suffisant.

Le respect des valeurs guides de qualité de l’air intérieur

  • CO₂ : idéalement < 800 ppm, alerte > 1000 ppm.
  • Formaldéhyde : < 30 µg/m³ en moyenne annuelle.
  • Benzène : < 2 µg/m³ en moyenne annuelle.

CO₂ : un indicateur clé pour surveiller le renouvellement de l’air

Le dioxyde de carbone est utilisé comme traceur du confinement : une concentration élevée de CO₂ indique un renouvellement d’air insuffisant, particulièrement dans les salles densément occupées comme les classes.

À partir d’un seuil de 1000 ppm, la vigilance est de mise car il présente des effets significatifs sur le bien-être et les performances cognitives : fatigue, somnolence, baisse de l’attention, maux de tête… Des mesures simples comme ouvrir les fenêtres régulièrement ou entretenir les systèmes de ventilation permettent de faire baisser significativement ces niveaux.

L’usage de capteurs de CO₂ en continu peut aider les enseignants et le personnel à adapter l’aération en temps réel, favorisant un environnement plus sain pour les élèves.

Formaldéhyde et benzène : deux cancérigènes à surveiller de près pour la qualité de l’air intérieur des ERP

Ces deux composés organiques volatils (COV) font l’objet d’une attention particulière dans le cadre réglementaire. Leur présence peut provenir :

  • Des matériaux anciens (sols plastiques, panneaux agglomérés) ;
  • Des peintures, colles, vernis ;
  • De certaines imprimantes ou produits d’entretien ;
  • D’un air extérieur pollué qui pénètre dans le bâtiment (circulation automobile, activités industrielles…).

Dans le cadre d’investigations inclues dans un plan d’action de prévention et d’amélioration de la qualité de l’air intérieur, des kits d’analyse agréés disponible auprès de laboratoire permettent d’effectuer en toute simplicité la mesure indicative de ces deux polluants. Cette solution reste beaucoup plus économique que la réalisation de campagnes de mesure règlementaires. En effet, la campagne de mesure règlementaire doit être menée par un organisme accrédité COFRAC et permet de vérifier que les concentrations restent sous les valeurs guides fixées par les autorités sanitaires.

Des actions simples et peu coûteuses pour un air intérieur plus sain

L’un des enseignements du guide publié par le Cerema en 2023 est que l’amélioration de la qualité de l’air intérieur ne nécessite pas forcément des investissements lourds. Quelques bonnes pratiques à promouvoir :

  • Aérer régulièrement (notamment entre deux cours ou pendant les récréations).
  • Entretenir les systèmes de ventilation (nettoyage, filtres).
  • Sensibiliser le personnel éducatif aux gestes favorables à une bonne QAI.
  • Limiter les sources de polluants (produits d’entretien écolabellisés, mobilier sans émanations chimiques…).

Protéger les enfants, un impératif de santé publique

Les jeunes générations passent près de 90 % de leur temps dans des environnements clos. Offrir un air de qualité dans les lieux d’accueil de la petite enfance et dans les établissements scolaires est un devoir collectif et une exigence réglementaire. C’est aussi un investissement dans la santé, le bien-être et la réussite de nos enfants.

Face à l’enjeu, la surveillance de la qualité de l’air intérieur n’est plus une option : elle est une nécessité sanitaire, pédagogique et économique.

Source : Guide QAI dans les ERP du CEREMA, Surveillance de la qualité de l’air intérieur dans les établissements recevant du public – Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles

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