Pollution de l’Air Intérieur : Ce que révèle la Campagne Nationale Logement 2 de l’OQEI ?
La qualité de l’air intérieur est devenue un enjeu majeur de santé publique. Alors que nous passons environ 80% de notre temps à l’intérieur, nos logements peuvent abriter une multitude de polluants invisibles, parfois à des niveaux préoccupants. Pour mieux comprendre cette réalité, l’Observatoire de la qualité des environnements intérieurs (OQEI, ex-OQAI) a mené la Campagne Nationale Logement 2 (CNL2), une étude d’envergure inédite en France. Ses résultats mettent en lumière une pollution omniprésente et multiforme, avec des substances chimiques retrouvées dans presque tous les foyers, et des risques sanitaires encore largement sous-estimés.

L’objet de la Campagne Nationale Logement et son étendue
La CNL2, menée entre 2021 et 2023, avait pour objectif de dresser un état des lieux actualisé de la qualité de l’air intérieur des logements français. Elle fait suite à la première campagne nationale logements (2003-2005) de l’OQAI et s’inscrit dans un contexte de renforcement des connaissances sur les expositions domestiques.
L’étude a porté sur plus de 500 logements représentatifs du parc français, couvrant :
- Des habitats urbains, périurbains et ruraux,
- Différents types de bâtiments (maisons individuelles, appartements),
- Des zones climatiques variées.
Elle s’est intéressée à une grande diversité de paramètres :
- Polluants chimiques : composés organiques volatils (COV), composés semi-volatils (phtalates, pesticides, retardateurs de flamme…), métaux lourds,
- Polluants physiques : particules fines, radon,
- Polluants biologiques : moisissures, allergènes,
- Et aux conditions de confort : température, humidité, aération.
L’objectif était clair : mesurer, comparer et identifier les polluants les plus préoccupants pour la santé publique.
La Campagne Nationale Logement 2 confirme une pollution omniprésente
L’un des enseignements majeurs de la campagne est la présence quasi systématique de polluants dans l’air et les poussières domestiques.
- Près de 100 substances chimiques ont été recherchées, et la plupart ont été détectées dans les logements.
- Certaines substances ont été retrouvées dans plus de 90 % des foyers, révélant une contamination diffuse et généralisée.
Cette pollution ne provient pas uniquement de l’extérieur : elle est alimentée par les matériaux de construction, le mobilier, les produits de consommation courante (produits ménagers et cosmétiques) et les activités domestiques (nettoyage, cuisine, chauffage, bricolage, tabac).
En résumé : il n’existe pas de logement “vierge” de polluants. Même en l’absence d’usage direct de pesticides ou de solvants, les résidus persistent dans les poussières et dans l’air intérieur.
Les résultats les plus préoccupants mis en évidence par la Campagne Nationale Logement : les phtalates
Parmi les polluants mesurés, les phtalates occupent une place centrale.
Ces plastifiants, massivement utilisés pour assouplir le PVC et présents dans d’innombrables produits du quotidien (revêtements de sol, jouets, peintures, textiles, câbles), se sont révélés omniprésents :
- Le DEHP (di(2-éthylhexyl)phtalate) : détecté dans la quasi-totalité des logements, parfois à des concentrations très élevées.
- Le DiNP (di-isononylphtalate) et le DBP (dibutylphtalate) : retrouvés dans plus de 80 % des échantillons.
- Le BBzP (butylbenzylphtalate) : souvent mesuré dans les poussières.
Leur importance tient au fait qu’ils sont perturbateurs endocriniens avérés, capables d’interférer avec le système hormonal humain. Ils sont liés à des troubles de la fertilité, des malformations congénitales, une puberté précoce, et certains cancers hormonodépendants.
Dès lors, les femmes enceinte sont particulièrement touchées par cette exposition avec des risques sanitaires pour l’enfant à naître.
Ces substances sont d’autant plus préoccupantes qu’elles touchent fortement les jeunes enfants, qui ingèrent proportionnellement plus de poussières domestiques.
Des risques sanitaires préoccupants révélés par la Campagne Nationale Logement
Au-delà des phtalates, l’étude a mis en lumière des concentrations préoccupantes pour plusieurs autres familles de polluants :
- Formaldéhyde et benzène, deux cancérogènes avérés, mesurés à des niveaux dépassant parfois les valeurs guides sanitaires.
- Pesticides persistants (lindane, DDT et son métabolite DDE, pentachlorophénol), bien que interdits depuis longtemps, encore détectés dans une majorité de logements.
- Retardateurs de flamme bromés, chlorés et phosphorés, présents dans les textiles, mousses et plastiques.
- Particules fines (PM2,5), issues de la pollution de l’air extérieur (circulation automobile), cuisson, du chauffage et du tabagisme.
Ces polluants ne s’additionnent pas seulement : ils peuvent interagir. C’est ce qu’on appelle l’effet cocktail : l’exposition simultanée à de multiples substances chimiques, même à faibles doses, peut amplifier les risques sanitaires.
Or, les évaluations actuelles de risque sont encore largement centrées sur les substances individuelles, et sous-estiment donc l’impact global de cette pollution domestique.
Qui sont les plus exposés ?
Les résultats montrent que certains groupes sont particulièrement vulnérables :
- Les jeunes enfants, plus sensibles du fait de leur métabolisme en développement et de leur proximité avec les poussières.
- Les femmes enceintes, pour lesquelles une exposition chronique peut avoir des conséquences sur le développement fœtal.
- Les personnes âgées ou fragiles, souvent plus confinées à domicile.
Les logements anciens, peu ventilés ou proches de zones de trafic ou agricoles présentent en général des niveaux plus élevés de pollution intérieure.
Comment agir ?
Face à ces constats plutôt alarmants, plusieurs leviers d’action émergent :
Réduire les sources
- Éviter les produits de bricolage ou de décoration contenant des solvants et biocides.
- Choisir des matériaux certifiés faibles émissifs.
- Privilégier les jouets, textiles et articles sans PVC ni plastifiants.
Améliorer la ventilation
- Aérer quotidiennement, même en hiver.
- Entretenir et vérifier le bon fonctionnement des systèmes de VMC.
Traiter l’air intérieur
Utiliser des purificateurs d’air équipés de filtres HEPA (pour les particules) et de charbon actif (pour les COV et semi-volatils).
Renforcer la réglementation
- Fixer des valeurs guides pour davantage de substances.
- Mieux encadrer les produits de consommation courante.
En conclusions, la campagne nationale Logement 2 de l’OQEI confirme ce que les chercheurs suspectaient depuis longtemps : l’air intérieur de nos logements est un mélange complexe de polluants chimiques, omniprésents et persistants.
Si la plupart des niveaux mesurés restent en dessous des seuils réglementaires individuels, l’accumulation et les effets cocktails soulèvent des inquiétudes légitimes pour la santé publique.
La conclusion est sans appel : agir sur la qualité de l’air intérieur est un enjeu majeur de prévention sanitaire, au même titre que la qualité de l’air extérieur. Cela passe par une prise de conscience collective, des gestes simples au quotidien et un renforcement des politiques publiques.
Source: Campagne Nationale Logements 2