Perturbateurs endocriniens : ces intrus invisibles de nos logements qui bousculent notre santé
Ils sont invisibles, souvent inodores, et présents dans tous les logements anciens et modernes. Les perturbateurs endocriniens (PE) font aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches en santé environnementale, car ils sont capables de dérégler notre système hormonal, même à faibles doses. Très largement répandus dans notre environnement intérieur, ils se cachent dans les plastiques, les textiles, les produits ménagers, les cosmétiques, les peintures, les meubles ou encore les jouets.

Face à leurs effets sanitaires potentiels – troubles de la fertilité, cancers hormonodépendants, diabète, troubles du développement ou du comportement – et à leur mode d’action insidieux, les perturbateurs endocriniens représentent un défi majeur pour la santé publique du XXIème siècle. Comprendre leur fonctionnement, leur classification et savoir où les identifier dans notre intérieur est la première étape pour mieux les éviter.
Que sont les perturbateurs endocriniens ?
Un perturbateur endocrinien est une substance chimique ou un mélange capable d’interférer avec le système hormonal des êtres vivants. Ce système contrôle des fonctions vitales : croissance, reproduction, métabolisme, sommeil, humeur…
Selon l’OMS, un PE est une substance exogène (c’est-à-dire extérieure à l’organisme) qui altère une ou plusieurs fonctions du système endocrinien, notamment leur synthèse par les glandes endocrines, leur transport et leur action, entraînant des effets nocifs sur la santé d’un individu ou de ses descendants.
Deux caractéristiques majeures les rendent particulièrement problématiques :
- Effet à faibles doses : contrairement aux toxiques classiques, la dose ne fait pas le poison. De très petites quantités peuvent avoir un effet biologique significatif.
- Vulnérabilité aux périodes critiques : l’exposition à certains moments clés – grossesse, petite enfance, puberté – peut avoir des conséquences durables, parfois irréversibles.
Une classification internationale des perturbateurs endocriniens : la plateforme DEDuCT
La complexité des effets des perturbateurs endocriniens nécessite une approche rigoureuse pour les identifier. La plateforme scientifique DEDuCT (Database of Endocrine Disrupting Chemicals and their Toxicity profiles), développée par l’Institut indien IMSC, est une référence internationale pour le classement des perturbateurs endocriniens.
Elle distingue :
- Les PE avérés : effets endocriniens démontrés chez l’humain ou chez des animaux via des études robustes.
- Les PE présumés : données significatives mais incomplètes.
- Les PE potentiels : soupçons fondés, nécessitant plus de recherches.
Leur classification repose sur plusieurs critères :
- Type de perturbation hormonale observée (oestrogénique, androgénique, thyroïdienne, etc.)
- Espèce concernée
- Nature de l’étude (in vivo, in vitro, humain, animal)
- Niveau de preuve toxicologique
Où se trouvent les perturbateurs endocriniens dans nos logements ?
Malheureusement, les PE sont omniprésents dans notre environnement intérieur. Voici les principales familles et leurs sources courantes dans les habitations :
Les Phtalates
Les phtalates sont de loin les premiers perturbateurs endocriniens de notre quotidien.
- Utilisation : plastifiants dans les PVC, revêtements de sol, rideaux de douche, jouets, colles, encres.
- Effets suspectés : altération de la fertilité, troubles du développement.
Le Bisphénol A (BPA) et ses analogues (BPS, BPF)
- Utilisation : plastiques rigides, résines époxy (revêtement intérieur des boîtes de conserve), vaisselle, tickets thermiques.
- Effets suspectés : troubles métaboliques, reproduction, cancers hormonodépendants.
Les retardateurs de flamme bromés (PBDE)
- Utilisation : mousses de canapé, matelas, téléviseurs, ordinateurs, textiles.
- Effets suspectés : neurotoxicité, perturbation thyroïdienne, effets sur le développement.
Les parabènes
- Utilisation : conservateurs dans les cosmétiques, crèmes, shampoings.
- Effets suspectés : effets œstrogéniques, altération de la fertilité.
Alkylphénols : Nonylphénol, Octylphénol
- Utilisation : détergents, peintures, émulsifiants dans les produits ménagers.
- Effets suspectés : altérations du système reproducteur, bioaccumulation.
Les Composés perfluorés ou PFAS
- Utilisation : revêtements antiadhésifs, textiles déperlants, emballages alimentaires.
- Effets suspectés : troubles hormonaux, effets sur le foie, immunotoxicité.
Les biocides et les produits phytosanitaires
Ces produits couramment utilisés pour traiter des problèmes d’insecte (moustiques, cafards, fourmis…) ou les animaux domestiques contre les puces et les tiques sont très présents dans l’air intérieur des logements. Le traitement des boiseries contre les moisissures et les insectes xylophage est également une source importante de pollution de l’environnement intérieur.
Les pesticides employés massivement en agriculture contaminent durablement les logements riverains des parcelles traitées malgré la mise en place des ZNT (Zones de Non Traitement).
Quels risques pour la santé humaine ?
Les PE ne provoquent pas d’intoxication aiguë, mais des effets silencieux, diffus, souvent différés dans le temps. Les troubles varient selon la substance, la dose, la durée et la période d’exposition. Parmi les principaux risques :
- Troubles de la fertilité (diminution du nombre de spermatozoïdes, dérèglement de l’ovulation)
- Cancers hormonodépendants (seins, testicules, prostate)
- Troubles neuro-développementaux (déficit d’attention, autisme)
- Perturbation de la thyroïde (croissance, régulation du métabolisme)
- Maladies métaboliques (diabète, obésité infantile)
- Dérèglement du système immunitaire
Les enfants, femmes enceintes et fœtus sont les plus vulnérables à ces substances.
Comment limiter l’exposition aux perturbateurs endocriniens chez soi ?
Heureusement, des gestes simples permettent de réduire fortement l’exposition aux PE à la maison :
- Choisir des produits sans substances controversées : optez pour des articles labellisés sans phtalates, sans parabènes, sans BPA.
- Aérer régulièrement : au moins 10 minutes par jour pour évacuer les COV.
- Limiter les plastiques : préférez le verre ou l’inox pour les contenants alimentaires.
- Nettoyer les poussières : elles concentrent les PE émis par les matériaux et objets.
- Éviter les désodorisants, bougies parfumées, sprays : souvent chargés de substances hormonomimétiques.
- Contrôler les matériaux lors de travaux : colles, peintures, vernis doivent être à faible émission.
- Préférer les cosmétiques bio ou sans perturbateurs endocriniens connus.
Les perturbateurs endocriniens sont des menaces silencieuses pour notre santé. Présents dans nos logements, ils nous exposent de manière chronique, souvent à notre insu. Comprendre leurs effets, connaître leurs sources et modifier ses habitudes de consommation permet de réduire l’exposition, sans nécessairement engager des coûts importants.
Source: DEDUCT | Database of Endocrine Disrupting chemicals and their Toxicity profiles, Perturbateurs endocriniens – Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Que sont les perturbateurs endocriniens – Santé publique France
Crédit photo Andrew Seaman sur Unsplash