Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) dans l’air intérieur : une menace invisible après un incendie

Les incendies domestiques ou industriels ne laissent pas derrière eux que des dégâts visibles. Parmi les résidus les plus toxiques laissés par les fumées et les suies se trouvent les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), un groupe de polluants chimiques particulièrement dangereux pour la santé humaine. Invisibles à l’œil nu, ils peuvent persister dans l’environnement intérieur bien après l’extinction des flammes.

HAP dans un logement incendié

Qu’est-ce qu’un HAP ?

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont une famille de composés organiques contenant plusieurs cycles aromatiques (structures hexagonales carbonées) liés entre eux. Ils se forment lors de la combustion incomplète de matières organiques : bois, charbon, pétrole, essence, plastique, aliments, etc. Leur apparition est quasi systématique lorsqu’un feu se déclare.

Il existe plusieurs centaines de HAP, dont certains sont classés comme cancérogènes probables ou certains par les autorités sanitaires (OMS, Organisation Mondiale de la Santé). Deux des plus connus et surveillés sont :

  • Le naphtalène, souvent présent en phase gazeuse dans l’air intérieur et autrefois utilisé comme antimite sous le nom de naphtaline.
  • Le benzo[a]pyrène, le plus préoccupant en cas d’incendie, considéré comme un marqueur de la contamination par les HAP, et classé cancérogène avéré (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Incendies et suies : un cocktail de HAP

Lors d’un incendie, les températures élevées et le manque d’oxygène provoquent une combustion incomplète des matériaux, générant une forte concentration de HAP dans les fumées et les dépôts de suie.

Les HAP ainsi formés se retrouvent :

  • Dans les aérosols en suspension dans l’air (formes gazeuses ou adsorbées sur des particules fines),
  • Incrustés dans les suies déposées sur les surfaces (murs, meubles, sols, conduits de ventilation…),
  • Imprégnés dans les textiles, moquettes, rideaux, coussins…

Une pièce touchée par la fumée ou les flammes devient alors un réservoir toxique, dont les émissions peuvent durer plusieurs semaines voire des mois si aucune décontamination n’est entreprise.


Quels sont les risques sanitaires des HAP ?

Les HAP présentent des risques sanitaires élevés, à la fois par inhalation, contact cutané et ingestion accidentelle (via les mains contaminées portés à la bouche, par exemple chez les jeunes enfants).

Pour les occupants, une exposition chronique sur le long terme :

  • Effets cancérogènes : Le benzo[a]pyrène est fortement associé au cancer du poumon, de la peau et de la vessie.
  • Troubles respiratoires : toux chronique, irritation des bronches, asthme.
  • Perturbations du développement chez les enfants exposés in utero ou dans les premières années de vie (troubles neurocomportementaux, baisse du QI, retard de croissance).

Chez les professionnels, une exposition aigüe et répétée après un sinistre :

Les pompiers, agents de nettoyage, désamianteurs, professionnels de la décontamination ou travailleurs du bâtiment intervenant sans protection adaptée sont particulièrement à risque :

  • Risques accrus de cancers professionnels.
  • Sensibilisation cutanée et réactions allergiques.
  • Fatigue chronique, maux de tête, nausées liés à l’exposition aiguë.
  • Risque de développer des pathologies respiratoires.

Selon l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) et l’INRS (Institut National de Recherche en Sécurité), la prévention passe par le port d’équipement de protection individuelle (EPI, gants, masques adaptés FFP3 ou à cartouches, combinaison) et la formation aux risques chimiques post-incendie.

Pourquoi faut-il une décontamination professionnelle ?

Contrairement aux idées reçues, nettoyer les suies avec de l’eau et du savon ou simplement repeindre ne suffit pas. Les HAP s’accrochent aux surfaces, migrent dans les matériaux poreux, et continuent d’être émis dans l’air ambiant.

Une décontamination professionnelle consiste à :

  1. Évaluer les niveaux de contamination par prélèvements d’air et d’échantillons de surface.
  2. Retirer les suies et matériaux imprégnés, parfois en déposant les revêtements muraux ou les isolants.
  3. Utiliser des techniques de nettoyage spécifiques, telles que la cryogénie, les détergents tensioactifs adaptés ou les aspirateurs dotés de filtres HEPA.
  4. Ventiler et purifier l’air avec des dispositifs combinant filtration HEPA et charbon actif, capables de piéger les particules fines et les composés organiques volatils issus des HAP.

En conclusion, un diagnostic de la qualité de l’air intérieur post-incendie est fortement recommandé avant tout retour d’occupants dans les locaux incendiés. Des mesures complémentaires réalisées après l’intervention de décontamination et de rénovation permettent de s’assurer que les niveaux de pollution par les HAP sont compatibles, d’un point de vue sanitaire avec l’occupation des locaux incendiés.

Sources INRS – Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), ANSES – Exposition aux HAP dans l’air intérieur, CIRC – Liste des substances cancérogènes

Crédit photo Veronica Cento sur Pexel