PestiRiv : Quand les poussières domestiques révèlent l’empreinte invisible des pesticides viticoles

L’air que nous respirons dans nos logements peut être marqué par une pollution invisible : celle des pesticides. Pour mieux comprendre cette exposition, l’ANSES a piloté l’étude PestiRiv, première campagne nationale d’envergure sur la contamination des riverains par les produits phytosanitaires réalisée entre 2021 et 2022. Les résultats, en particulier ceux concernant les poussières domestiques, permettent d’évaluer le niveau d’imprégnation des foyers proches ou éloignés des zones viticoles.

Pestiriv présente l'impact des pesticides utilisés dans les zones viticoles sur la pollution de l'environnement intérieur

Quels sont les objectifs de l’étude PestiRiv

Lancée en 2021-2022, l’étude PestiRiv avait pour but de :

  • Mesurer la contamination environnementale (air, eau, poussières) autour des zones viticoles,
  • Évaluer l’exposition des populations riveraines, notamment par le biais des poussières intérieures, qui constituent un marqueur fiable des polluants s’accumulant dans les logements,
  • Comparer les résultats entre les zones viticoles et les zones non viticoles, et selon la saison de traitement ou hors traitement.

Quels sont les résultats de PestiRiv pour les analyses de poussières prélevées dans l’environnement intérieur

Les poussières domestiques portent la signature de la pollution de l’environnement intérieur par les Composés Organiques Semi-Volatils (COSV) comme les pesticides. Les résultats de l’étude PestiRiv confirment qu’aucun logement n’est épargné par les pesticides. En effet, plusieurs pesticides sont présents dans tous les logements démontrant une exposition chronique des occupants à de multiples pesticides dont les effets cocktails sur la santé ne sont pas connus.

Zones viticoles en période de traitement

  • 449 échantillons analysés, représentant plus de 40 000 foyers.
  • 47 substances détectées sur 48 recherchées.
  • Les pesticides les plus fréquemment retrouvés : cuivre, difénoconazole, azoxystrobine, glyphosate, cyperméthrine, amétoctradine, diméthomorphe, boscalid, métrafénone, fluopicolide, fosétyl-aluminium, fluopyrame et pyriméthanil sont présent dans plus de 80% des logements.
  • Pour les pesticides organiques, les concentrations médianes sont comprises entre 0,54 ng/g (krésoxim-méthyl) à 810 ng/g (fosétyl-aluminium).

Zones non viticoles en période de traitement

  • 113 échantillons collectés, représentant environ 10 000 foyers.
  • 44 substances détectées,
  • Les pesticides les plus fréquemment retrouvés : cuivre, azoxystrobine, glyphosate, cyperméthrine, difénoconazole, boscalid, tébuconazole, amétoctradine et diméthomorphe sont présents dans plus de 80% des logements.
  • Pour les pesticides organiques, les concentrations médianes sont comprises entre 0,55 ng/g (myclobutanil) à 202 ng/g (cyperméthrine).

Zones viticoles en période hors traitement

  • 228 échantillons représentant environ 22 000 foyers.
  • 46 substances détectées
  • Les pesticides les plus fréquemment retrouvés : cuivre, diméthomorphe, difénoconazole, azoxystrobine, glyphosate, boscalid, amétoctradine, métrafénone, pyriméthanil, tébuconazole, cyperméthrine et fluopicolide sont présents dans plus de 80% des logements.
  • Pour les pesticides organiques, les concentrations médianes sont comprises entre 0,8 ng/g (myclobutanil) à 194 ng/g (cyperméthrine).

Comparaisons des résultats de l’étude PestiRiv

Les zones viticoles en période de traitement comparées à la période hors traitement

  • Les concentrations et fréquences de détection sont plus élevées pendant la période de traitement, confirmant l’impact direct des pulvérisations saisonnières.
  • Hors traitement, la contamination persiste (plus de 45 substances encore détectées), signe de la stabilité et de la persistance des pesticides dans l’environnement intérieur.

Les zones viticoles en période de traitement comparées aux zones non viticoles en période de traitement

  • Les foyers en zone viticole présentent des niveaux de contamination plus importants et une diversité plus grande de substances.
  • En zones non viticoles, la pollution existe mais à des niveaux moindres, suggérant une contamination diffuse à l’échelle régionale, mais moins marquée qu’à proximité directe des vignes.

Quels sont les risques pour la santé ?

Les poussières domestiques constituent une voie d’exposition majeure pour les occupants, en particulier :

  • Les enfants, qui portent souvent les mains à la bouche et sont plus vulnérables.
  • Les adultes exposés de façon chronique, pour qui les faibles doses répétées posent un problème d’effets cocktails : plusieurs substances, même à faible concentration, peuvent interagir et perturber le système endocrinien, le développement neurologique ou augmenter le risque de cancers.

Des molécules préoccupantes comme les fongicides triazoles (propiconazole, tébuconazole), les insecticides pyréthrinoïdes (cyperméthrine) et le glyphosate ont été identifiées, certaines étant classées perturbateurs endocriniens ou cancérogènes suspectés.

En conclusion, la pollution de l’environnement intérieur par les pesticides et l’étude PestiRiv confirme cette réalité préoccupante :

  • Les foyers situés en zones viticoles présentent une pollution intérieure nettement plus élevée, surtout en période de traitements.
  • Même en dehors de la saison, les poussières conservent des résidus, preuve de la persistance environnementale des pesticides.
  • Les foyers en zones non viticoles sont également exposés, mais à des niveaux généralement plus faibles.

Ces résultats soulignent la nécessité de :

  • Renforcer la surveillance de la qualité de l’air et des poussières intérieures,
  • Réduire l’usage des pesticides et encourager des alternatives en viticulture,
  • Protéger les riverains, notamment les enfants, face à cette pollution invisible mais omniprésente.

Source: PestiRiv : résultats de l’étude nationale sur l’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles | Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Crédit photo Cecile Musy sur Unsplash